Glace. Neige. Eau. Vie.

Comment le changement climatique affecte-t-il les glaciers?

Les bilans de masse glaciaire sont influencés par plusieurs facteurs. En général, un glacier reculera si les facteurs contribuant à son ablation (perte de glace) dépassent ceux qui contribuent à son accumulation de neige (et de glace). L'ablation inclut la fonte, l'évaporation, l'érosion par le vent et le vêlage (brisement de glace), et si ces forces ne sont pas compensées par une accumulation de neige suffisante en hiver, le glacier commencera à reculer.

Photo du Centre d’hydrologie, Université de la Saskatchewan

Effets du changement climatique sur les terres gelées du Canada

Le changement climatique accélère rapidement le recul des glaciers. La hausse des températures atmosphériques affecte les volumes de précipitations neigeuses en hiver et raccourcit la saison froide, ce qui réduit l'accumulation saisonnière. Par ailleurs, les vagues de chaleur estivales entraînent une fonte importante. Les dépôts de suie issus des feux de forêt accentuent également la fonte en assombrissant les glaciers, augmentant leur absorption de la lumière du soleil.

Les glaciers de l'ouest du Canada ont connu un recul important ces dernières années. En 2023, pour la première fois, les bilans de masse glaciaire ont diminué en hiver. Le glacier Peyto, dans le Parc national de Banff, a reculé de 409 mètres et perdu 29 mètres d'altitude entre 2019 et 2023. Les glaciers du champ de glace Columbia et d'autres régions montagneuses ne s'en sortent pas mieux. D'ici la fin du siècle, les glaciers de l’ouest du Canada pourraient perdre de 74 % à 96 % de leur volume, même si nous atteignons l'objectif de 1,5 °C fixé par l'Accord de Paris de 2015.

Les impacts du recul glaciaire varient. En ce qui concerne les ressources en eau, le rôle des glaciers peut être compris comme celui de "protection contre la sécheresse" pour les débits des rivières. La majorité de l'eau qui alimente les rivières des montagnes provient de la fonte des neiges, mais nous observons récemment une fonte plus rapide et plus précoce en raison des températures anormalement élevées. Combiné avec les périodes de faibles précipitations (comme en 2023), cela a entraîné des niveaux d'eau extrêmement bas, surtout vers la fin de l'été. Dans ce contexte, la fonte des glaciers a aidé à compenser ces autres impacts du changement climatique en maintenant les rivières en écoulement. À mesure que les glaciers reculent, nous risquons de perdre ce tampon pour nos réserves d'eau.

Est-il possible de préserver nos glaciers?

Cela dépend de ce que l'on entend par "préserver". La plus grande menace pour les glaciers est le changement climatique anthropique, et l'action climatique est donc essentielle. Cependant, même si toutes les émissions de CO₂ cessaient aujourd'hui, le volume de glace continuerait de baisser de façon spectaculaire. Le but de l’“Année internationale de la préservation des glaciers” est de reconnaître l’importance de l’eau sous toutes ses formes gelées et d'utiliser les glaciers comme symbole des changements à venir.

Comment le changement climatique affecte-t-il le manteau neigeux montagnard?

Contrairement aux glaciers, la relation entre le manteau neigeux et le changement climatique est moins certaine. Dans l’hémisphère nord, les manteaux neigeux hivernaux montrent des réponses non linéaires au réchauffement atmosphérique, ce qui signifie que certaines régions sont bien plus touchées que d’autres, malgré de petites différences de température saisonnière régionale. Au Canada, il existe une forte variabilité: en général, les manteaux neigeux déclinent aux plus basses altitudes dans les Rocheuses canadiennes, mais pas aux plus hautes altitudes, tandis que de nombreux endroits dans le nord du Canada voient leurs manteaux neigeux augmenter. Cependant, dans certaines chaînes montagneuses de l'ouest canadien, la période couverte par la neige a diminué jusqu'à six semaines — un changement majeur.

Fleuve Bow à Canmore, Alberta, photographié le 7 janvier 2024. Le faible manteau neigeux soulève des préoccupations quant aux conditions de sécheresse et de feux de forêt estivaux. Photo de Zoë Johnson.

Un besoin urgent se fait sentir pour davantage de recherches sur la neige et la glace dans l’ouest canadien afin que les gestionnaires de l’eau, les municipalités, les agriculteurs, les skieurs et tous les autres puissent comprendre les changements à venir. L'incertitude ne doit pas être vue comme une raison d'inaction. Au contraire, elle doit être perçue comme un motif pour agir davantage. Nous pourrions être plus proches de seuils de basculement que nous le pensons, et si nous les franchissons, la capacité même de notre pays à fonctionner sera affectée.

Le manteau neigeux saisonnier est incroyablement important pour les ressources en eau canadiennes, formant environ ¾ des débits de nombreuses rivières du pays. Il est généralement mesuré en équivalent eau-neige (EEN), qui correspond à la quantité d’eau qu’un volume donné de neige produirait en fondant. La neige elle-même est vitale pour les économies locales et les communautés dépendant de l’industrie du ski et des autres activités hivernales, mais c’est ce volume d’eau, l’EEN, qui rend la neige si cruciale pour la sécurité hydrique du Canada, et, par extension, pour notre sécurité économique, alimentaire et énergétique. La fonte des neiges des montagnes est responsable de la majeure partie du débit des rivières au printemps et, en descendant des sommets, elle alimente les lacs et rivières, les réserves d’eau potable, fournit de l’eau pour l’irrigation, l’agriculture et l’hydroélectricité, et réduit le risque de feux de forêt, entre autres rôles cruciaux. La fonte des neiges des Rocheuses alimente les rivières qui atteignent la baie d’Hudson, l’océan Arctique et l’océan Pacifique; c’est le pouls de la moitié du pays.

Le changement climatique dans l’Arctique canadien

Avec des taux de réchauffement plus de trois fois supérieurs à la moyenne mondiale, les régions arctiques subissent de nombreux changements profonds dans leurs paysages et écosystèmes. Le recul des glaciers, l’amincissement de la glace de mer et des lacs, le dégel du pergélisol, l’érosion côtière due à l’action des vagues, et le déplacement des aires de répartition des plantes et des animaux, entre autres, affectent le Nord canadien. Ces processus sont dynamiques dans le temps et l’espace, ce qui rend la nature et la gravité des impacts sur les communautés arctiques difficiles à prédire et variables d’un endroit à l’autre.

Partout dans l’Arctique, des changements significatifs dans les conditions de glace sont observés. Le nombre de jours sans glace sur les lacs, rivières et océans augmente à mesure que des températures saisonnières plus élevées retardent la formation de la glace et accélèrent sa fonte par rapport au passé. Les glaciers arctiques sont également touchés, avec une tendance à l’augmentation de la fragmentation des glaces et de la fonte. Comme pour les régions montagneuses, cela peut entraîner des changements dans les écoulements, affectant les écosystèmes qui dépendent des rivières et ruisseaux alimentés par les glaciers, en provoquant des fluctuations des niveaux d’eau, de la salinité (tant en eau douce qu’en eau de mer) et de la qualité de l’eau. La réponse du paysage aux changements de neige et de glace affectera également les habitats des espèces arctiques indigènes. La couverture végétale, les schémas de précipitations et la transformation des reliefs peuvent tous affecter la répartition des espèces ainsi que leurs populations, ce qui changera non seulement la dynamique des écosystèmes, mais aura aussi des répercussions profondes sur les traditions, la culture et les régimes alimentaires des communautés autochtones de l’Arctique.

Les risques de dangers évoluent aussi dans les environnements de pergélisol. À mesure que l’eau dans les régions de pergélisol alterne entre états gelé et liquide, l’intégrité structurelle du sol change. Par exemple, dans les sols gelés, l’eau peut s’accumuler dans les fissures lorsque les températures sont élevées, puis geler à nouveau quand elles chutent. En gelant, l'eau se dilate, et le cycle répété d’accumulation d’eau peut créer de grandes fissures glacées dans le sol. Certains de ces processus de fracturation dans l’Arctique canadien durent depuis des décennies, produisant des fissures de 2 à 50 mètres de diamètre. Or, avec des températures de plus en plus élevées, ces fissures fondent, provoquant des affaissements du terrain.

Une vidéo expliquant les processus impliqués dans le vêlage des glaciers marins. Il y a près de 300 glaciers marins dans l'Arctique canadien. (Source : NASA).

Comment les changements de glace peuvent entraîner des déformations de surface dans les environnements de pergélisol. (Source : US National Park Service)

Boucle de Rétroaction

Une boucle de rétroaction climatique est un mécanisme qui accélère (boucle positive) ou ralentit (boucle négative) une tendance au réchauffement. Souvent, lorsque l’on parle de boucles de rétroaction, on se réfère à des situations où un élément exacerbe un autre. Par exemple, des températures élevées entraînent une fonte accrue des glaciers, et la fonte des glaciers réduit la quantité de rayonnement solaire renvoyée dans l’espace, ce qui augmente encore plus les températures. De nombreuses boucles de rétroaction positives sont observées dans la cryosphère. Deux importantes au Canada concernent les feux de forêt et la dégradation du pergélisol.

Glacier couvert de suie. Photo du Centre d'hydrologie, Université de la Saskatchewan.

Feux de forêt

En plus du recul des glaciers, les changements climatiques sont aussi liés à l'augmentation de la taille, de l'intensité et de la fréquence des feux de forêt. À mesure que les surfaces glaciaires noircissent à cause de la suie et des débris de feux de forêt transportés dans l’air, leur capacité à réfléchir la lumière, ou leur « albédo », diminue. La neige et la glace blanches peuvent réfléchir de grandes quantités de rayonnement solaire, tandis que les surfaces assombries absorbent ce rayonnement. Cela signifie que les feux de forêt peuvent réduire l'effet de refroidissement atmosphérique des glaciers et accélérer directement leur fonte.

L'hydrologie de la neige est aussi liée aux risques de feux de forêt. En 2023, nous avons observé la saison de feux de forêt la plus destructrice jamais enregistrée au Canada, en partie due à des manteaux neigeux maigres et à une fonte des neiges précoce, contribuant à des conditions estivales sèches. Non seulement les feux de forêt peuvent contribuer à la dégradation de la cryosphère, mais les changements dans les conditions cryosphériques peuvent également augmenter les risques de feux de forêt. C’est un cercle vicieux qui nécessite plus de recherche et de ressources pour être adressé.

Émission de méthane due au dégel du pergélisol

Source de l'image: Fonds mondial pour la nature (World Wildlife Fund).

Le pergélisol dans l'Arctique canadien peut être âgé de plusieurs milliers d'années. Lors de sa formation, le sol gelé a emprisonné un mélange de plantes, de bactéries et d'autres matières organiques. Ce gel a initialement empêché la décomposition, mais maintenant, avec le dégel du pergélisol, cette matière organique ancienne peut se décomposer et se dégrader. Ceci pose un problème pour le climat, car la décomposition émet du dioxyde de carbone et du méthane (deux gaz à effet de serre) dans l’atmosphère. Le sol gelé contient également du carbone, qui, lorsqu’il est exposé à l'air, peut se transformer en dioxyde de carbone. La libération de ces réserves de carbone du pergélisol dans l'atmosphère aggravera l'effet de serre, provoquant un réchauffement climatique. Le sixième rapport d'évaluation du GIEC estime que les émissions de gaz à effet de serre provenant du dégel du pergélisol pourraient équivaloir à 14-175 milliards de tonnes de dioxyde de carbone pour chaque degré de réchauffement.

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Glacier Stutfield, Parc national de Jasper, photo de Zoë Johnson.

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